La lutte contre les violences conjugales : un arsenal juridique renforcé

La lutte contre les violences conjugales : un arsenal juridique renforcé

Face à l’ampleur du fléau des violences conjugales, la France a considérablement renforcé son arsenal juridique ces dernières années. Des mesures novatrices ont été adoptées pour mieux protéger les victimes et sanctionner les auteurs. Décryptage des principaux dispositifs mis en place.

Le téléphone grave danger : une protection renforcée pour les victimes

Le téléphone grave danger (TGD) est un dispositif d’alerte qui permet aux victimes de violences conjugales d’alerter rapidement les forces de l’ordre en cas de danger imminent. Mis en place en 2014, il prend la forme d’un téléphone portable équipé d’une touche dédiée permettant de joindre directement un service de téléassistance. En cas de danger, la victime peut déclencher l’alerte et une intervention rapide des forces de l’ordre est déclenchée.

Le TGD est attribué par le procureur de la République pour une durée de 6 mois renouvelable. Il est réservé aux victimes de violences conjugales particulièrement exposées à un risque élevé de récidive. Depuis sa mise en place, le nombre de TGD a été considérablement augmenté, passant de 500 en 2019 à plus de 3000 en 2022. Ce dispositif a prouvé son efficacité pour prévenir le passage à l’acte et rassurer les victimes.

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L’ordonnance de protection : éloigner l’agresseur du domicile

L’ordonnance de protection est une mesure phare dans la lutte contre les violences conjugales. Instaurée par la loi du 9 juillet 2010, elle permet au juge aux affaires familiales d’ordonner en urgence, même en l’absence de plainte pénale, des mesures pour protéger la victime de violences conjugales. Le juge peut notamment :

– Interdire à l’auteur des violences d’entrer en contact avec la victime

– Attribuer la jouissance du logement familial à la victime

– Statuer sur l’autorité parentale et organiser les droits de visite et d’hébergement

– Autoriser la victime à dissimuler son adresse

L’ordonnance de protection est délivrée pour une durée maximale de 6 mois, renouvelable sous conditions. Elle constitue un outil précieux pour mettre rapidement la victime à l’abri, sans attendre l’issue d’une procédure pénale souvent longue. En 2021, plus de 3700 ordonnances de protection ont été délivrées.

Le bracelet anti-rapprochement : surveiller l’éloignement de l’agresseur

Mis en place en 2020, le bracelet anti-rapprochement (BAR) est un dispositif électronique permettant de géolocaliser l’auteur de violences et de déclencher une alerte lorsqu’il s’approche de la victime. Concrètement, l’agresseur porte un bracelet électronique à la cheville tandis que la victime est équipée d’un boîtier de géolocalisation. Si l’agresseur pénètre dans un périmètre interdit autour de la victime, une alerte est immédiatement déclenchée.

Le BAR peut être ordonné dans le cadre d’une procédure pénale (contrôle judiciaire, condamnation) ou d’une procédure civile (ordonnance de protection). Il permet d’assurer une surveillance continue du respect de l’interdiction d’approcher la victime. Fin 2022, plus de 1000 BAR étaient actifs sur le territoire français. Ce dispositif novateur a permis d’améliorer significativement la protection des victimes les plus exposées.

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L’éviction du conjoint violent : protéger la victime au domicile

Le principe de l’éviction du conjoint violent du domicile conjugal a été consacré par la loi du 4 avril 2006. L’objectif est de permettre à la victime de rester dans le logement familial, plutôt que d’avoir à fuir pour se mettre à l’abri. Concrètement, le juge pénal peut ordonner à l’auteur des violences de quitter le domicile et lui interdire d’y revenir, y compris s’il en est propriétaire.

Cette mesure peut être prononcée à différents stades de la procédure pénale : dans le cadre d’un contrôle judiciaire, d’une composition pénale, d’un sursis probatoire ou d’une peine complémentaire. Elle est généralement assortie d’une interdiction d’entrer en contact avec la victime. L’éviction du conjoint violent permet d’éviter à la victime et aux enfants un déracinement traumatisant, tout en affirmant la responsabilité de l’agresseur.

Le renforcement des sanctions pénales

Ces dernières années, l’arsenal répressif contre les violences conjugales a été considérablement renforcé. La loi du 3 août 2018 a notamment alourdi les peines encourues pour les violences conjugales ayant entraîné une incapacité totale de travail. Les violences habituelles au sein du couple sont désormais punies de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

La loi du 30 juillet 2020 a par ailleurs créé une nouvelle infraction de harcèlement au sein du couple, punie de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Elle a aussi élargi le délit de violation du secret des correspondances au sein du couple. Ces évolutions législatives visent à mieux prendre en compte la diversité des formes de violences conjugales et à sanctionner plus sévèrement les auteurs.

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La prise en charge des auteurs de violences

Au-delà de la répression, la lutte contre les violences conjugales passe aussi par une meilleure prise en charge des auteurs pour prévenir la récidive. Plusieurs dispositifs ont été mis en place dans ce sens :

– Les stages de responsabilisation pour les auteurs de violences conjugales, qui peuvent être ordonnés dans un cadre pénal ou proposés de façon volontaire

– Le développement des centres de prise en charge des auteurs de violences (CPCA), qui proposent un accompagnement pluridisciplinaire

– L’expérimentation de centres de suivi et de prise en charge des auteurs de violences conjugales (CSPCA) avec hébergement

Ces dispositifs visent à responsabiliser les auteurs, les aider à prendre conscience de leurs actes et à modifier leurs comportements. Ils s’inscrivent dans une approche globale de prévention de la récidive.

La France s’est dotée ces dernières années d’un arsenal juridique conséquent pour lutter contre les violences conjugales. Des dispositifs innovants comme le téléphone grave danger ou le bracelet anti-rapprochement ont permis d’améliorer la protection des victimes. Le renforcement des sanctions pénales et la prise en charge des auteurs complètent cette approche globale. Si des progrès restent à faire dans l’application effective de ces mesures, la législation française est désormais parmi les plus protectrices en Europe.

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